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Le Niremont en solo hivernal par la face sud

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il y a 9 ans 3 mois #117951 par Cricridamour
Suite à la question posée ici,
www.vo2cycling.fr/forum/general/104673-a-quoi-pe...d-vous-roulez#117950


Voilà un exemple de ce à quoi je pense pendant un effort. Ou comment par la magie du cinéma que je me fais dans la tête, une banale sortie d’entrainement se transforme en épopée homérique à tiroirs.


En exclusivité mondiale pour le forum de Vo2, voici la dernière performance en date de Cricridamour (c’est-à-dire moi).

Il s’agit, chers lecteurs, accrochez-vous bien à votre chaise, du Niremont :woohoo: , via sa terrible face sud :woohoo: , le point 1493.5 et son arrête ouest d’anthologie :woohoo: , et ceci en hivernal et en solo, d’une traite aller-retour ! :woohoo: :woohoo: Ce que personne n’avait encore osé tenter (le lundi 5 janvier en début d’après-midi) Ca déchire grave, n’est-ce pas ?

Le Niremont, pour ceux qui ne connaissent pas, est cette montagne dantesque haute de 1504 m, cotée EFMPLCM+ (= extrêmement facile même pour des lopettes comme moi) située dans les contreforts abrupts des vertigineuses Préalpes fribourgeoises. Autant dire que le Niremont, dans la région et au-delà, inspire un respect mêlé de crainte.

Les conditions climatiques sont extrêmes pour un mois de janvier. C’est pile ce qu’il me fallait pour pouvoir réaliser cette performance. C’est pourquoi j’ai décidé, après une longue et intense réflexion de 2 minutes ce matin même, de tenter cette première mondiale régionale locale.

Arrivé au camp de base (le parking à 1040 m), je m’accorde le temps nécessaire et indispensable pour une bonne acclimatation à l’altitude (le temps de sortir de la voiture, prendre les chaussures, les bâtons et le sac dans le coffre). Cette période d’acclimatation me permet aussi de peaufiner mon matériel dans les moindres détails, ces petits trucs qui font la différence, et qui décideront de la réussite ou de l’échec de ce titanesque défi : nouer les lacets, remplir la gourde, mettre la casquette sur la tête et les lunettes sur le nez.

Encore un coup d’œil vers cette terrible face sud pour bien mémoriser les enchainements du parcours : tout d’abord tout droit en haut la pente, puis droit en haut, suivi d’un autre passage tout droit, et encore tout droit, et le final tout droit également.







Voilà, je suis prêt. Concentration extrême, profonde inspiration, top chrono et c’est parti !

J’essaie de prendre tout de suite le bon rythme (de sénateur) en restant bien concentré sur l’itinéraire et la coordination de mes bras et jambes. Et ça grimpe. Tout va bien, la machine est lancée.

Les mètres de dénivelé défilent. Je dois cependant m’écarter quelque peu de la ligne idéale, car par endroits le terrain est recouvert de taupinières. Mais ma légendaire faculté d’adaptation m’aide à contourner tous ces énormes et imprévus obstacles. (Placer les adjectifs devant le substantif et pas derrière, je trouve que ça en jette vraiment un max)

J’arrive déjà à 1209 m d’altitude, devant un vieil objet architectural intéressant : l’alpage de la Grande Mollie.

Je profite, tout en vous narrant cet exploit sportif, d’étaler ma science. :lunettes: Et vais donc évoquer les peuplades autochtones et vous exposer certains de leurs rites et coutumes.

C’est donc dans ce genre de lieu que les peuplades des environs gardaient des animaux domestiques étonnants : des vaches (Bos taurus de leur petit nom latin). Etonnants en effet, car après avoir brouté beaucoup d’herbe verte, ces grands ruminants produisent, tenez-vous bien, du lait ! Incroyable, non ? Et oui, dans cette contrée, le lait vient de ces vaches et pas du supermarché.
En des temps immémoriaux, ces peuplades très ingénieuses découvrirent la façon de conserver le lait : en le faisant cailler, et après d’autres manipulations secrètes et mystérieuses, ils le transforment en un produit alimentaire de forme ronde tout simplement dé-li-cieux : le Gruyère AOP.
Toutefois, ici sur cette terrible face sud du Niremont, les indigènes n’exercent plus cette activité agro-pastorale depuis belle lurette (c’est-à-dire depuis la fin septembre).

Mais laissons donc ces observations ethnologiques et retournons à notre ascension.

A mesure que je monte, la température devient de plus en plus extrême. Vraiment étranges, les conditions climatiques de ce début janvier 2015. Cette température commence à m’éprouver. Tant pis pour le chrono, je décide de m’arrêter un instant pour adapter mon habillement : j’ôte mon pull pour le ranger dans le sac, et continue en simple t-shirt. Franchement, ma déconcertante facilité d’adaptation au milieu naturel et aux conditions du moment m’étonne moi-même ! Pas vous ?

Passage à proximité de l’alpage du Petit Niremont, ce qui signifie que le sommet n’est plus bien loin. Après avoir vaincu d’une traite ces 400m d+, je parviens enfin au point 1493.5, dans le temps mirobolant de 48 minutes, et à 115 puls de moyenne. Je sais, ces chiffres paraissent incroyables, mais pourtant, ils sont véridiques, je vous le garantis. Ils sont le résultat de ma préparation diététique intensive depuis le 24 décembre, alternée avec des siestes digestives sur le canapé du salon. Et résultat : la forme est là, surtout autour de l’abdomen. Y a pas à dire, l’Interval Training paie toujours.

Un vent tempétueux de 2 km/h souffle sur cet antécime, je ressors mon pull (toujours cette faculté d’adaptation...) et profite de prendre une photo.






Driing, driiing. C’est quoi, ça ? Ah oui ! Excusez-moi, c’est mon téléphone. Un instant, s’il vous plait, le temps de rejeter l’appel et je poursuis mon récit. Voilà.

Direction maintenant le sommet principal, sur la fameuse arrête ouest. Il me faut rester très concentré, ne pas me relâcher à aucun moment et regarder précisément où je pose mes pieds, car ici la moindre erreur se paie cash : enfoncement de 10 cm dans la neige traitresse. Mais je parviens à éviter tous les pièges et atteins le point culminant.

Content, le Cricri ! P’tite photo de moi-même au sommet à ne pas oublier: c’est à ce genre de détails qu’on reconnait le vrai cador, pour prouver à tous la véracité de mon fabuleux exploit et de clouer le bec des sceptiques éventuels.





(en arrière-plan, la vertigineuse arrête ouest de l’antécime vers le sommet : à couper le souffle, n’est-ce pas ?)


Driiing, driiiing. Tcheu, encore ce téléphone ! Il insiste, celui qui veut m’appeler. Allez hop, refusé. Voilà. Désolé. La suite du récit.

Petit coup d’œil au paysage.




A gauche, le Moléson. La montagne sacrée du peuple qui vit dans ces contrées, les Fribourgeois. Du sommet, on y voit toutes les maisons de Romandie, et même au-delà.







A droite de la photo, au sud du Moléson, le Teysachaux. Cette montagne, avec ses 1909 m d’altitude, constitue l’un des points de ralliement d’une sorte de congrégation étrange, que certains appellent même une secte : les Collants-Pipettes. Notez que certains agnostiques les appellent aussi de manière péjorative les Tafiolles en Combinaison Moule-Burnes.

Les Collants-Pipettes sont assez nombreux dans la région. Ils vouent une espèce de culte à leur divinité, qui s’appelle d+/h. Cette religion est nommée Ski-Alpinisme, abrégée ski-alpi dans leur idiome. Pour réussir à entrer en relation avec leur dieu, les Collants-Pipettes pratiquent une sorte de jeûne contrôlé. Ils essaient aussi de mettre en pratique une espèce de philosophie de la vie dans tous les objets, accessoires et ustensiles qu’ils utilisent. Dans leur étrange dialecte, cette philosophie est appelée ultralaïte.

Un de leur grand prêtre s’appelle Didier et officie à quelques km d’ici à Vuadens. C’est lui qui m’a converti. Hé oui, je suis membre de cet ordre. Mais pas très assidu, surtout ces derniers temps.

Car cette congrégation est actuellement en plein désespoir. A cause de Yapadnèjécélakatah, un démon très redouté. Cette année en effet, il est très rare d’observer les habituelles processions de Collants-Pipettes au Teysachaux.

Ne pas croire cependant que les Collants-Pipettes se cantonnent au Teysachaux. Au contraire, ils sont assez prosélytes et essaient de répandre un peu partout leur croyance. Il arrive même qu’un individu isolé (moi par exemple) se retrouve au Moléson.





Driiiiing, driiiiiing. Encore ? Ça commence à bien faire ! Mais c’est qui qui veut me parler avec autant d’insistance ? Excusez-moi, je réponds, je l’expédie vite fait, comme ça nous aurons la paix et pourrons poursuivre tranquillement.

-Allo, ouais, quoi, qu’est-ce qu’il y a ? (d’une grosse voix pas aimable)

-Tchao Cricri, c’est Ueli (gros accent suisse-allemand) Comment ça va ? J’espère que je toi pas beaucoup dérange ? (ce charabia, c’est du français fédéral. Pour la commodité de lecture et une compréhension facilitée, je retranscris la suite en français romand courant. Merci qui ? Merci Cricri !)

-Salut Ueli, alors tu es de retour du Népal ? Que me veux-tu encore ?

-Oui. Tu sais sans doute que des incrédules ont mis en doute ma petite grimpette à l’Annapurna de l’autre jour, soi-disant parce que je n’ai pas de photos pour le prouver. Alors aujourd’hui quand je vois toutes tes photos, je me demande bien comment tu fais pour te prendre en photo et apparaitre en entier alors que tu es tout seul ?

-Ecoute, Ueli, c’est une excellente question. Mais là, je n’ai pas le temps de répondre, je suis occupé. Je te rappelle, promis. A plus.

Bon, je raccroche, nous avons encore cette terrible expédition à terminer aujourd’hui.
En effet, ainsi que l’a déclaré le grand himalayiste Reinhold Messner, un sommet n’est considéré vaincu que si on est rentré sain et sauf au camp de base. Alors je me remets en route, en revenant sur mes pas.

De retour au point 1493.5, le déchainement féroce des UV s’ajoute à la tempête de ciel bleu, c’est encore pire qu’à l’aller. Heureusement que j’ai oublié d’emporter mon tube de crème solaire, car sinon, j’aurais dû le sortir. Ouf, je l’ai échappé belle, ce coup-ci !

Mais on ne peut pas avoir une chance aussi insolente très longtemps. Il faut vraiment que je redescende au camp de base au plus vite. Et en redoublant d’attention. Car le terrain est assez boueux entre les plaques de neige. Et là où il y a des taupinières, c’est encore pire. Maudites taupinières ! Faut vraiment que je m’en méfie comme de la peste. Et avec la vitesse de la descente, c’est beaucoup plus difficile de les éviter qu’à la montée.

Quoi ? Comment ? Quelqu’un ici met en doute le gros péril que représente une taupinière ? :angry:

Je crois qu’une petite digression tarantinesque s’impose, pour que tous saisissent bien l’ampleur du danger et dans quelle situation périlleuse je me trouve actuellement.

Imaginez que je pose mon pied par inadvertance sur une taupinière. Par inadvertance ou par maladresse, ou encore à cause de mon élan. Peu importe en fait, imaginez donc simplement que je pose mon pied sur une taupinière. Ou même que je pose mon pied seulement à proximité immédiate d’une taupinière. Que croyez-vous qu’il se passera ? Pas d’idée ? Non ? Et bien mon pied déraperait sur la boue, je pourrais par conséquent perdre l’équilibre, je pourrais chuter de toute ma hauteur au sol, et ma hauteur, il se trouve qu’elle est haute. Et le sol, lui, est boueux. Je glisserais peut-être de tout mon long dans le talus boueux. Mon dos et mes fesses seraient donc recouvert de fange.
Et pire encore, durant la chute, je pourrais rouler sur moi-même. Et je serais donc recouvert de gadoue non seulement de bas en haut, mais aussi recto-verso. Tout le monde voit bien le tableau ?

Au camp de base, je devrais bien entendu me changer et enfiler ces habits sales dans un sac en plastique pour ne pas pourrir l’intérieur de la voiture. Et je rentrerais à la maison, avec ce sac rempli d’habits crottés.

Et ensuite ? Il me faudra bien entendu mettre tous ces habits souillés au lavage, n’est-ce pas ? Et que croyez-vous qu’il se passera lorsqu’arrivé à la maison, je rentrerais avec ce linge sale dans un local appelé buanderie où trône La Machine à Laver ? UN DRAME EPOUVANTABLE !

Et voilà pourquoi : Madame la Présidente du Comité Directeur va voir ça, car absolument RIEN ne lui échappe dans la buanderie. Madame la Présidente du Comité Directeur disais-je va comprendre que j’aurai osé envisager de mettre toute cette gadoue dans SA machine à laver, et c’est précisément à cet instant que quelque chose de terrible arrivera. :evil:

UN DRAME EPOUVANTABLE se produirait, je vous le dis.
Et moi, voyez-vous, je n’ai aucune envie qu’UN DRAME EPOUVANTABLE ne se produise.
Je vais donc tout faire pour empêcher qu’UN DRAME EPOUVANTABLE ne se produise.

Comme je l’ai écrit un peu plus haut, Reinhold Messner a donc dit qu’un sommet n’est vaincu qu’à la condition de rentrer sain et sauf au camp de base ; mais pour moi, une expédition réussie, c’est si à la fin on arrive à sortir sain et sauf de la buanderie.

C’est bon ? Tout le monde a bien saisi la problématique des taupinières ?

Fin de la digression tarantinienne.
(Je m’aperçois à l’instant que dans cette digression, je me suis allègrement mélangé les pinceaux avec le futur et le conditionnel. A cause de la fatigue peut-être, par flemme de sortir le Bescherelle certainement)

Donc prudence de mise, bien à l’écart de ces satanées taupinières.



Gros plan sur quelques satanées taupinières

Et c’est ainsi, après un combat acharné contre les forces de la nature, en évitant tous les pièges de cette terrifiante montagne, en allant chercher au plus profond de moi la force mentale de lutter contre la pente assassine, etc. etc... Bref, c’est ainsi que je parviens enfin au camp de base, sous les acclamations, les vivats et les regards admiratifs d’aucune foule en délire ni d’aucune groupie en pâmoison.

Et plus tard, c’est sans problème que je suis sorti sain et sauf de ma buanderie. Cette périlleuse expédition a donc été un succès total ! Bien joué Cricri ! :good:

Avec le recul, je me dis que le plus dur maintenant, c’est de me trouver un nouveau défi à la hauteur de celui-ci. Quand je l’aurai trouvé, je vous ferai signe.

:petard:



Voilà, avec une légère mise en forme faite le lendemain, à quoi j’ai pensé lundi après-midi.
C’est grave, Docteur ? :icon_ohwell


A+
Cricri
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il y a 9 ans 3 mois #117952 par Guyrando
Salut Cricri !

Ravi de voir qu'en 2015 tu continues de fumer la moquette :P

Je te souhaite plein de courses (autant de CR pour nous) pour la saison à venir !
J’espère que nous pourrons nous revoir bientôt !

@+

PS j'aimerais aussi avoir la réponse à la question de Ueli ! ça serait dommage que toi aussi tu passes pour un tricheur pour n'avoir pas fait cette première en solo ! :lunettes: :angry:

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il y a 9 ans 3 mois #117953 par Cricridamour
Le qu’en-dira-t-on ne m’importe guère…

C’est de la magie…

Comme expliqué dès la troisième ligne de mon texte, il ne s’agit pas ici d’un CR à proprement parler, mais du cinéma que je me suis fait pendant cette sortie. Or, le cinéma est l’art de l’illusion. Soit nous faire croire à une réalité qui n’en est pas une. De la magie, quoi !

A propos, pendant que j’y pense (mais pourquoi diantre y pense-je pile en ce moment ?) : Ma femme, que tu as rencontré lors de la Bergibike, te salue bien (subtil message subliminal, vraiment subtil et vraiment subliminal)

A+
Cricri

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il y a 9 ans 3 mois #117954 par Guyrando
Je pense être assez subtil pour décelé le subliminal ! ;-)

Salutations à elle !

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  • skippy
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il y a 9 ans 3 mois #117960 par skippy
Réponse de skippy sur le sujet Le Niremont en solo hivernal par la face sud
Elle envoie a moquette sur Fribourg :lol:

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il y a 9 ans 3 mois #117973 par jfd_

Voilà, avec une légère mise en forme faite le lendemain, à quoi j’ai pensé lundi après-midi.
C’est grave, Docteur ? :icon_ohwell

Très grave :petard: J'adore ce que tu fais :yaisse:

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